Des services de garde financés par l’État : une initiative novatrice au Québec

Des services de garde financés par l’État : une initiative novatrice au Québec

par Martha Friendly, directrice exécutive, Childcare Resource and Research Unit
Selon les données disponibles, les services de garde réglementés se font rares au Canada : les centres de la petite enfance desservent moins de 25 % des enfants âgés de 0 à 5 ans1. En outre, les places disponibles ne sont pas nécessairement abordables pour bon nombre de familles, voire la plupart d’entre elles. La contribution parentale peut atteindre 20 000 $ par année2 et, malgré les systèmes provinciaux de places de garde subventionnées pour les parents à revenu faible ou modeste, elle peut amener bon nombre de parents à payer de leur poche jusqu’à 500 $ par mois, même s’ils ont une place subventionnée2.

L’une des principales critiques formulées à l’égard des services de garde canadiens a longtemps été qu’ils dépendent fortement de la contribution parentale, tandis que le financement public est surtout utilisé pour des places de garde subventionnées accordées à des familles au cas par cas. Dès 2004, une analyse des services de garde canadiens produite par l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE recommandait « l’abandon du mécanisme de subventions personnelles en faveur d’un financement par subventions de fonctionnement et d’un droit pour les enfants. […] Le financement par subventions de fonctionnement affecté semble être un moyen plus sûr de garantir que les garderies disposent d’un personnel hautement qualifié et d’un milieu d’apprentissage enrichi, qui sont tous deux de puissantes variables explicatives de la qualité et de l’apprentissage3. »

Une analyse récente des tarifs des services de garde canadiens démontre que les provinces et les territoires qui appliquent des barèmes tarifaires suivant le prix du marché pour les services de garde exigent des tarifs beaucoup plus élevés que les trois provinces qui ont fixé un tarif maximal (Québec, Manitoba, Î.-P.-É.)2, alors qu’une plus grande part du financement est affectée aux coûts de fonctionnement des « services ». Le Québec a été le chef de file au Canada en ce qui a trait à l’application de cette « pratique exemplaire » : l’approche axée sur un financement de base. Au Québec, les coûts de fonctionnement des services sont en grande partie financés à l’aide d’une formule provinciale fondée sur la taille du centre et le taux d’occupation moyen.

Alors que l’approche de « financement du service », et non de « financement du parent4 », représente la norme dans les pays ayant mis en place des systèmes de garde plus avant gardistes, comme les pays nordiques, la France ou l’Italie, la décision du Québec de passer à une approche de « financement du service » dans les années 1990 a constitué l’une des initiatives les plus novatrices au Canada dans le secteur des services de garde. Voilà qui a joué un rôle clé dans l’établissement d’une contribution parentale fixe et abordable à l’échelle provinciale, qui était de 5 $ par jour lorsque le programme a été lancé et qui est désormais de 7,55 $/jour (en 2017), y compris une contribution maximale pour les familles mieux nanties2. Cette décision a également fait en sorte que le Québec s’est retrouvé avec un plus grand nombre de places réglementées que la moyenne canadienne (soit assez de places pour accueillir 30 % des 0 à 4 ans dans les centres et près de 50 % des places réglementées si l’on inclut les services en milieu familial), ce qui a stabilisé le secteur à but non lucratif des centres de la petite enfance. Par ailleurs, en offrant des services de garde plus accessibles, le Québec se retrouve à dépenser environ 60 % du financement public annuel total du Canada destiné aux services de garde, ce qui le rapproche du seuil minimal recommandé à l’échelle internationale, qui est de 1 % du PIB pour les services de garde destinés aux enfants de 0 à 5 ans5.

1 Friendly, M., B. Grady, L. Macdonald et B. Forer. (2015). Early Childhood Education and Care in Canada 2014. Toronto: Childcare Resource and Research Unit. http://childcarecanada.org/sites/default/files/ECEC-2014-full-document-revised-10-03-16.pdf – consulté le 12 mars 2017.
2 Macdonald, D. et M. Friendly. (2016). Une préoccupation croissante : Les frais de garde d’enfants dans les grandes villes canadiennes. Centre canadien de politiques alternatives. https://www.policyalternatives.ca/sites/default/files/uploads/publications/National%20Office/2016/12/Une_pre%CC%81occupation_croissante.pdf – consulté le 12 mars 2017.
3 Politique sur les services éducatifs et de garde à l’enfance. Canada. Note de présentation. Direction de l’éducation de l’OCDE. http://www.oecd.org/fr/edu/scolaire/33850796.pdf – consulté le 12 mars 2017.
4Friendly, M. pour la Childcare Research and Research Unit, Toronto. (2011). Early Childhood Education and Care in Toronto: Funding the Future. https://www1.toronto.ca/city_of_toronto/childrens_services/files/pdf/ecec_in_to_full.pdf – consulté le 12 mars 2017.
5UNICEF. La transition en cours dans la garde et l’éducation de l’enfant, Bilan Innocenti 8. (2008). Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF, Florence. https://www.unicef-irc.org/publications/pdf/rc8_fre.pdf – consulté le 12 mars 2017.