Pourquoi la qualité des services est elle au cœur de la question de l’éducation et de la garde des jeunes enfants?

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La situation au Canada

À la lumière des caractéristiques consensuelles et des données probantes sur les liens entre elles, le Canada ne fait pas bonne figure dans les analyses comparatives sur la qualité. L’unique étude pancanadienne menée sur la qualité, Oui, ça me touche! (2000), qui s’est intéressée à la qualité des pratiques des garderies en établissement et des garderies privées réglementées a constaté que « seulement le tiers des garderies en établissement et des garderies privées réglementées propose des activités qui appuient et favorisent le développement social, langagier et cognitif de l’enfant ». [Traduction] Dans un bilan Innocenti de 2008 de l’UNICEF (Centre de recherche Innocenti) sur les services de garde d’enfants dans 25 pays, le Canada n’a respecté qu’un des dix critères de qualité et d’accès, partageant ainsi la dernière place avec l’Irlande.7

Si on compare les données de recherche et les idées consensuelles sur les caractéristiques des programmes de garde d’enfants (rémunération, conditions de travail et formation du personnel en EPE, environnement physique, ratio éducateur/enfants, taille des groupes et gouvernance), on s’entend pour dire que, dans l’ensemble, les services de garde d’enfants du Canada sont de piètre qualité malgré les nombreux excellents programmes. Plusieurs provinces ont, à divers moments, amélioré la qualité de leurs services et lancé des initiatives, mesures qui n’ont toutefois pas été évaluées et que les provinces ne pourront peut-être pas poursuivre.

À l’échelle nationale, notons que, dans les années 2000, le Cadre multilatéral pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants (2003) et les ententes fédérales/provinciales/territoriales constituant le programme Piliers (2004) (éliminé par l’administration subséquente) prévoyaient une collaboration fédérale/provinciale/territoriale sur un « cadre national de la qualité ».

1OECD (2011. Starting Strong III: A Quality Toolbox for Early Childhood Education and Care.   https://www.unicef.org/lac/spbarbados/Implementation/ECD/StartingStrongII_OECD_2006.pdfconsulté le 24 juillet 2017.
2Early childhood education and care: a new direction for European policy cooperation. Children in Europe Issue. © Children in Scotland, No 21, septembre 2011, p. 29-30.  http://childcarecanada.org/sites/default/files/Children%20in%20Europe%202011_21.pdf – consulté le 25 juillet 2017.
3 National Research Council (États-Unis) and Institute of Medicine (États-Unis) Committee on Integrating the Science of Early Childhood Development; Shonkoff JP, Phillips DA, rédacteurs. From Neurons to Neighborhoods: The Science of Early Childhood Development. Washington (DC): National Academies Press (États-Unis); 2000. 11, Growing Up in Child Care.   https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK225555/– consulté le 27 juillet 2017.
4OCDE. Équipe d’examen de la Direction de l’éducation et des compétences. Early Childhood Education and Care Policy Canada Country Note, septembre/octobre 2003. http://www.oecd.org/edu/school/33850725.pdf – consulté le 24 juillet 2017.
5 Doherty, G., M. Friendly et J. Beach. (2003). OECD Thematic Review of Early Childhood Education and Care: Canada background report. Ottawa : gouvernement du Canada. http://www.oecd.org/education/school/33852192.pdf – consulté le 28 juillet 2017.
6Friendly, M., G. Doherty et J. Beach. Quality by design: What do we know about quality in early learning and child care, and what do we think?  A literature review. Childcare Resource and Research Unit, Université de Toronto. Toronto (Ontario). Sans date. http://childcarecanada.org/sites/default/files/QbD_LiteratureReview.pdf – consulté le 24 juillet 2017.
7UNICEF. The child care transition. Bilan Innocenti 8. (2008). Centre de recherche Innocenti d’UNICEF, Florence. © Fonds des Nations unies pour l’enfance, 2008.  http://www.unicef.or.jp/library/pdf/labo_rc8.pdf – consulté le 24 juillet 2017.

Élargir l’accès aux services sans porter attention à leur qualité ne donnera pas de bons résultats pour les enfants ni de gains de productivité à long terme pour la société. En outre, des recherches ont démontré que la faible qualité des services peut entraîner des effets néfastes à long terme sur le développement de l’enfant plutôt que d’avoir des retombées positives1.

Pourquoi la qualité des services est-elle au cœur de la question de l’éducation et de la garde des jeunes enfants?

Par Martha Friendly, directrice exécutive, Unité des ressources et de la recherche sur les services de garde
La qualité est depuis longtemps au cœur du discours sur les services de garde. Si un bon nombre d’écrits au Canada se sont intéressés à l’importance de la qualité des services de garde, aux paramètres la définissant ainsi qu’aux facteurs pouvant l’améliorer ou la dégrader, le dialogue à cet égard est souvent un discours rhétorique plutôt qu’un discours de fond.

La qualité a beaucoup d’importance
La qualité, ça compte. Voilà l’une des grandes conclusions nées de 30 ans de recherche. Des études, menées dans plusieurs pays, affirment qu’on ne soulignera jamais assez l’importance de la qualité des services de garde. Des programmes de grande qualité d’éducation et de garde des jeunes enfants contribueront au développement de l’enfant alors que des programmes de mauvaise qualité auront l’effet contraire, surtout sur les très jeunes enfants et les enfants défavorisés1.

Dans une déclaration de 2011, la Commission européenne a fait l’observation suivante : « Cela nous apparaît de plus en plus clair que l’accès n’a que peu de valeur si les services offerts sont de piètre qualité. » [Traduction] Dans sa déclaration, la Commission a cité des études appuyant l’idée « qu’il ne suffit pas d’augmenter le nombre de places; les services doivent être de bonne qualité et transcender les considérations concernant le marché du travail pour tenir compte du bien-être actuel et futur de l’enfant et de sa famille2 ». [Traduction] Cette observation cadre avec d’autres conclusions, fondées sur des données probantes, qui soulignent l’importance primordiale de la qualité de l’éducation. Notamment, « le lien positif entre la qualité des services aux enfants et presque toutes les facettes du développement infantile est l’une des constatations les plus souvent observées en science du développement3 ». [Traduction]

Définition de la qualité
Une comparaison de ces services dans diverses sociétés met en lumière les nombreuses traditions, conceptions et approches. Ainsi, la façon de voir la qualité des services d’éducation et de garde des jeunes enfants varie d’une culture à l’autre et est le reflet des valeurs d’une société, de son contexte social, de sa représentation de l’enfance et de sa perception de la raison d’être de ces services.

Le Canada n’a pas de vision nationale claire concernant l’éducation et la garde des jeunes enfants. Les fondements de ces services ont changé constamment : de la préparation à la scolarisation, aux droits des enfants, de la diminution de la pauvreté, à l’égalité entre les sexes, à la productivité de la main-d’œuvre. Pour parvenir à une définition opérationnelle de la qualité, il faut d’abord se doter d’une vision claire. En 2004, l’OCDE a examiné l’éducation et la garde des jeunes enfants au Canada et recommandé « un dialogue entre les gouvernements, les décideurs politiques, les chercheurs et autres acteurs pour, en premier lieu, conceptualiser une vision cohérente à long terme fondée sur les meilleures données obtenues et se traduisant en étapes et échéanciers définis4,5 ». [Traduction]

S’il n’existe pas de définition universelle de la qualité, les experts en la matière ont souligné ce qui suit : « Certaines valeurs sont si essentielles au bien-être des enfants qu’on les considère généralement comme le fondement de toute définition de qualité. Certaines idées font consensus : les enfants doivent se sentir aimés, respectés et écoutés, ils doivent être sociables et aimer la compagnie des autres enfants et adultes hors du milieu familial, et grâce à l’affection et aux relations interpersonnelles, ils peuvent grandir, apprendre et acquérir un éventail remarquable d’aptitudes et de compétences dans les cinq à six premières années de leur vie6. » [Traduction]

La Commission européenne affirme, dans sa déclaration, « qu’il y a un fort consensus selon lequel la dotation en personnel, le curriculum et le contenu des programmes sont des éléments cruciaux de la qualité, tout comme la gouvernance des systèmes, »2 et que l’examen et la consolidation de ces éléments peuvent améliorer la qualité et l’accessibilité des services. Le document « Petite enfance, grands défis » de l’OCDE souligne l’importance d’une « approche participative à l’amélioration et l’assurance de la qualité » [traduction] et affirme que définir, garantir et surveiller la qualité devraient se faire selon un processus participatif et démocratique impliquant travailleurs, parents et enfants1.  voir la suite…